02/10/2018
Sur vos écrans en 2008
EDITORIAL :
Par Vincent J.
Il y a dix ans, ma fille en avait deux et je venais de m'installer à Cannes ce qui fait toujours sourire ceux qui savent combien j'aime le cinéma. Ce sont pourtant ces deux événements combinés qui m'ont éloigné, à l'époque, des salles de cinéma. Pour me rattraper, j'ai profité au maximum des festivals et cette année là, de celui de Clermont Ferrand. J’adore ce grand festival du court métrage, l'anti-Cannes même si on y fait aussi beaucoup la queue. Il se tient en début d'année. Parfois il y a de la neige ce qui pour moi est exotique, parfois du soleil, mais toujours les gens sont chaleureux et les « professionnels de la profession », qui souvent ne le sont pas encore tout à fait, sont accessibles. 2008 marque ma rencontre avec Joachim, le premier blogueur que j'ai vu physiquement (en dur avais-je écrit à l'époque) et avec un cinéaste qui allait compter désormais beaucoup pour moi : Mikhael Hers. Malgré quelques long métrages marquants, 2008 reste l'année de « Primrose Hill ». Dès les premières images, j'ai été fasciné par la mise en scène de Hers, par sa façon de faire arpenter le paysage par ses personnages, en groupe, à deux ou solitaires. La marche comme révélateur d'un territoire et d'une symbiose parfaite. J'ai aimé aussi ce regard sur la banlieue ouest de Paris, puis Paris même dans les films à venir, comme l'expression d'un monde intérieur, un sentiment, une esthétique. Ses travellings arrières ou latéraux sont d'une grande beauté et, contrairement à ceux de Gus Van Sant qui génèrent de l'angoisse, ceux de Hers ont une force tranquille, disent la chaleur entre les personnages et révèlent leurs sentiments avec pudeur. Ces mouvements possèdent quelque chose qui apaise et exalte à la fois. Et puis il y eu la découverte de cette bande d'acteurs, autant de visage neufs que j'ai eu plaisir à retrouver par la suite, même si ce n'était que pour quelques scènes : Stéphanie Déhel, Hubert Benhamdine, Thibault Vinçon et Jeanne Candel. Je me souviens avoir eu du mal au premier abord avec la longue scène d'amour assez frontale vers la fin, mais j'ai revu le film et je m'y suis fait. D'ailleurs je me suis empressé de diffuser le film à Nice lors des Rencontres de novembre la même année, au cours d'une nuit mémorable entre « Taiji ga mitsuryosuru toki » (« Quand l'embryon part braconner ») de Koji Wakamatsu et « King Boxer » (« La Main de fer ») de Cheng Chang-Ho. Et depuis j'attends avec une impatience jamais démentie les nouveaux opus hersiens. En novembre 2018 sort « Amanda », son troisième long métrage. Voilà comment, en 2008, un nouveau cinéaste est entré dans ma vie.
Au mois de mai, à Cannes où j'avais recroisé Joachim, c'est un autre court métrage qui m'a marqué, une histoire de première fois dans l’Angleterre de la fin des années soixante dix sur fond de musique des Buzzcocks. « Love You More » est drôle, sensuel et tendre. C'est une réalisation de la cinéaste Sam Taylor-Wood, qui jusque là faisait de la photographie et des courts métrages plutôt conceptuels. « Love You More » est plus classique, porté par deux superbes acteurs, Harry Treadaway et Andrea Riseborough. J'avais aimé l'utilisation de la chanson titre (je m'étais d'ailleurs acheté des albums du groupe dans la foulée), la cravate qui résiste, le gros plan sur les poils de bras qui se hérissent, les yeux de la fille, et cette énergie juvénile si bien rendue en un quart d'heure. C'est un film que je ne me suis pas lassé de voir et revoir, de montrer aussi. Mais j'ai eu beau guetter, je n'ai pas vu passer le premier long métrage de la réalisatrice, un « biopic » sur la jeunesse de John Lennon. Puis j'ai appris que c'était elle qui avait réalisé le « Fifthy Shades of Grey » (« Cinquante nuances de Grey ») en 2015 et j'ai eu du mal à y croire. Et c'est ainsi qu'en 2008 j'ai cru qu'une nouvelle cinéaste allait entrer dans ma vie.
À l'automne, les Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice fêtaient leur dix ans et pour l'occasion j'avais organisé une table ronde sur la nouvelle cinéphilie sur Internet. J'y avais convié, outre Joachim L., Édouard S. et Vincent R. que je rencontrais pour la première fois « en dur ». S'y joignait Philippe S. de l'association Cinéma Sans Frontières. En première partie, nous avions vu le très drôle « Les Sièges de l’Alcazar » de Luc Moullet, puis à la question « est-ce que vous voyez comme des critiques ? » mes invités, la main sur le cœur, m'avaient répondu « Oh non ! ». Ainsi va la vie.
LES CONSEILS DE NOTRE EQUIPE :
Une liste de 288 longs métrages (sur les 617 sortis en salles), avec, pour les étoiles en couleur, des liens vers des textes écrits par les contributeurs.
Et les conseils courts métrages de Vincent : Primrose Hill (Mikhael Hers)****, Love you more (Sam Taylor-Wood)****, Lieux saints (Alain Cavalier)***.
LES CHOIX DE NOS AMIS ET LECTEURS :
Frédéric :
1- En avant jeunesse (Costa) Two Lovers (Gray) 3- La Frontière de l'aube (Garrel) 4- Cloverfield (Reeves) No Country for Old Men (Coen) Un conte de Noël (Desplechin) 7- Christophe Colomb, l'énigme (Oliveira) Phénomènes (Shyamalan) Sub (Loustau) Woman on the beach (Sang-Soo)
Sur le banc : A bord du Darjeeling Limited (Anderson)-Dernier maquis (Ameur-Aïmeche)-L'Homme qui marche (Georges)-Night and Day (Sang-Soo)-Valse avec Bachir (Folman)-De la guerre (Bonello)
Ancien : La Source thermale d'Akitsu (Yoshida)-Soeurs de Gion (Mizoguchi)
Un simple amateur :
1- L'Homme de Londres (Tarr) 2- Two Lovers (Gray) 3- No Country for Old Men (Coen) 4- There will be blood (Anderson) 5- Le Bannissement (Zviaguintsev) 6- Un conte de Noël (Desplechin) 7- La Frontière de l'aube (Garrel) 8- Le Cahier (Makhmalbaf) 9- Woman on the beach/Night and day(Sang-Soo) 10- Valse avec Bachir (Folman)/Wall-E (Stanton)
Parmi les films intéressants: En avant jeunesse (Costa), Dans la ville de Sylvia (Guerin), Le Silence de Lorna (Dardenne)...
Pierre :
Top 15 1-Valse avec Bachir (Folman) 2-Mad detective (To) 3-There will be blood (Anderson) 4-Redacted (De Palma) 5-Wall e (Stanton) 6-La zona, propriété privée (Pla) 7-Sparrow (To) 8-Chronique des morts-vivants (Romero) 9-Speed racer (Wachovski) 10-Cherry blossoms (Dorrie) 11-Train de nuit (Diao Yinan) 12-Rome plutôt que vous (Teguia) 13-Amour, luxure, trahison / Lust caution (Ang Lee) 14-Hellboy 2, les légions d'or maudites (Del Toro) 15-Beaufort (Cedar)
les 29 hors liste restants Urbi et orbi (Boutonnet)*** Le voyage perpétuel (Lapsuy et Lehmuskallio)*** Ezra (Aduaka)*** Capitaine Alatriste (Diaz Yanez)*** Garage (Abrahamson)*** Sous les bombes (Arachtingi)*** Premières neiges (Begic)*** My name is Hallam Foe (Mc Kenzie)*** VHS Kahloucha (Belkhadi)*** Day watch (Bekmambetov)*** Les faussaires (Ruzowitsky)*** Les USA contre John Lennon (Leaf et Sheinfeld)*** Dhoom 2 (Gadhavi)** Les sept vierges (Rodriguez)** Superblonde (Wolf)** Doomsday (Marshall)** Ulzhan (Scholendorff)** Dancing queens (Ashton)** Française (El Bouhati)** Et puis les touristes (Thalheim)** Vitus l'enfant prodige (Murer)** Maradona par Kusturica (Kusturica)** Deuxième sous-sol (Khalfoun)* Les cerfs-volants de Kaboul (Forster)* After school (Campos)* Survivre avec les loups (Belmont)* Délivrez nous du mal (Berg)* Blindness (Meirelles)* 10000 (Emmerich)0
18 courts 1-Oda a la pina (Villaescusa)**** 2-Battements solaires (Bokanowski)*** 3-La nouvelle espèce (Lacis et Brinkmann)*** 4-Oedipe (Capucine)*** 5-Film from my parish- 6 farms (Donaghue)*** 6-Molina's mofo (Molina)*** 7- 6 long ! (Blanc-tailleur et Pelletier)** 8-Kamihiro-e-m-the edge (Doganis)** 9-Eel girl (Campton)** 10-El ataque de los robots de Nebulosa 5 (Ibarra)** 11-Mon monstre et moi (Rothlist)** 12-The acquaintance of a lonely John (Safdie)** 13-Killer (Leon et Pettibone-Riccobono)** 14-King crab attack (Sivan)** 15-Les maîtresses du docteur Loiseau (Rousseau)** 16-Le retour du docteur Loiseau (Rousseau)** 17-Libertad (Hanoun)0 18-Le secret d'Yvette (Berrtrand) 0
20 moyens-métrages 1-Une tente sur Mars (Bureau et Renaud) **** 2-Le mulot menteur (Kiss)*** 3-Génocidé (Valentin)*** 4-Cherche toujours (Théry et Chaillou)*** 5-Le docteur Loiseau et ses sinistres augures (Rousseau)*** 6-L'histoire du cinéma 16, troisième volet (Rousseau)*** 7-Ozu, éternel contemporain (Jackson)*** 8-D'amour et de révolte (Faucon)*** 9-Gruissan à la voile (Carles et Lespinasse)** 10-Flash back, conte d'été malien (Le Gall)** 11-Welcome to paradise (Poutte)** 12-Biblioburro (Zipagauta)** 13-Cona'cris, la révolution orpheline (Nivet)** 14-L'initiation (Drouet et Carré)** 15-Des-arts-sonnés (Froehly)** 16-Novela na santa casa (Lévy)** 17-Danse au coeur des sables (Richet)** 18-Carapa, écosite des Cévennes (Hoog)** 19-Mai 68 je me souviens (Jeudy)** 20-Et pourtant elle tourne (De Latour)*
40 longs-métrages 1-Tokyo gore police (Nishimura)**** 2-Sex addict (Henenlotter)**** 3-Mirages (Dury)**** 4-Polytechnique (Villeneuve)**** 5-The hole (Dante)*** 6-Viva Mexico ! (Défossé)*** 7-Sauna (Annila)*** 8-Une histoire du cinéma israélien (Nadjari)*** 9-Rampage (Boll)*** 10-Le silence des nanos (Colin)*** 11-Via de aceso (Mansoux)*** 12-Mum & dad (Sheil)*** 13-Umoja, le village interdit aux hommes (Sinclair et Crouzillac)*** 14-L'ortie fait de la résistance (Bertrand et Gril)*** 15-Tomber les murs? (Les Ziconophages)*** 16-The stranger (Valkeappa)*** 17-Ecchymoses (Albert)*** 18-Tournée (Markovic)*** 19-Dot (Zaim)*** 20-L'aquarium (Nasrallah)** 21-Le monde selon Monsanto (Robin)** 22-L'an prochain la révolution (Goldbronn)** 23-The pursuit of happiness (Amber)** 24-Lovembre (Xmalian)** 25-Armando e la politica (Malta)** 26-HF6 le film (Bovy, Tihon, Jaulin)** 27-L'homme qui aimait Ingve (Kristiansen)** 28-Not quiet Hollywood) (Hartley)** 29-Les Beccarus ou le repaire des obstinés (Fayot)** 30-Talking dead (Mc Donald)** 31-D'un mur l'autre (Jean)** 32-Baby doll night (Adeeb)** 33-Zift (Gardev)** 34-Youlenka (Stradjenov)** 35-Vanguard (Hope)* 36-Zack et Miri font un porno (Smith)* 37-Giallo (Argento)* 38-Mitterrand à Vichy (Moati)* 39-Le premier jour de l'hiver (Locatelli)* 40-The horseman (Kastrissios)0
une série. la saison 1 de Breaking bad (Gilligan)***
LE SONDAGE TWITTER DU DR. ORLOF :
Quel est le meilleur film sorti en 2008 ? (83 votants)
1- Two Lovers (Gray) 15 voix
2- No Country for old men (Coen) 10 voix
3- There will be blood (Anderson) 9 voix
4- Valse avec Bachir (Folman) 5 voix
5- Un conte de Noël (Desplechin), A bord du Darjeeling (Anderson) 4 voix
7- Speed Racer (Wachowski) 3 voix
8- En avant jeunesse (Costa), Hunger (McQueen), The Dark Knight (Nolan), Les Plages d'Agnès (Varda) 2 voix
Cités une fois : La Bande à Baader (Edel), Dans la ville de Sylvia (Guerin), L'orphelinat (Bayona), Vinyan (Du Welz), Redacted (De Palma), Un été avec Coo (Hara), Rome plutôt que vous (Teguia), Soyez sympa, rembobinez (Gondry), Elle s'appelle Sabine (Bonnaire), Le premier jour du reste de ta vie (Bezançon), Gomorra (Garrone) Into the Wild (Penn), 4 nuits avec Anna (Skolimowski), Christophe Colomb, l'énigme (Oliveira), Le Silence de Lorna (Dardenne), Un millier d'années de bonnes prières (Wang), Indiana Jones 4 (Spielberg), Triangle (Smith), Frangins malgré eux (McKay), Telepolis (Sapir), Mesrine (Richet), Troupe d'élite (Padilha) Hellboy 2 (Del Toro), Cloverfield (Reeves)
LE BOX-OFFICE :
1. Bienvenue chez les Ch'tis, Dany Boon, 20 489 303 entrées
2. Astérix aux Jeux Olympiques, Thomas Langmann & Frédéric Forestier, 6 817 803 entrées
3. Madagascar 2 : La Grande Évasion, Eric Darnell, 5 248 793 entrées
4. Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, Steven Spielberg, 4 199 711 entrées
5. Quantom of Solace, Marc Forster, 3 722 798 entrées
LES PRIX ET RECOMPENSES :
- Prix Louis-Delluc : La Vie moderne (Raymond Depardon)
- Prix Méliès : Les Plages d'Agnès (Agnès Varda)
- Prix Jean Vigo : Nulle part, terre promise (Emmanuel Finkiel)
- César du meilleur film : Séraphine (Martin Provost)
- Oscar du meilleur film : No Country for old men (Ethan & Joel Coen)
- Festival de Venise, Lion d'or : The Wrestler (Darren Aronofsky)
- Festival de Cannes, Palme d'or : Entre les murs (Laurent Cantet)
- Festival de Berlin, Ours d'or : Troupe d'élite (José Padilha)
- Festival de Locarno, Léopard d'or : Parque via (Enrique Riveros)
- Festival de Saint-Sébastien, Coquille d'or : La Boîte de Pandore (Yesim Ustaoglu)
A VOUS LA PAROLE !
A notre suite, nous vous invitons à dresser votre propre palmarès de l'année et à nous le faire parvenir, par l'intermédiaire des commentaires ou du bouton de contact, afin que nous le mentionnions à son tour ci-dessus.
(vous pouvez consulter la liste de tous les films sortis en France en 2008 sur le site Encyclo-Ciné)
| Tags : 2008, anderson, desplechin, coen, gray, hara, to, wai, garrel, folman, nichols | Lien permanent | Commentaires (7) | Imprimer | Facebook | | |
01/11/2017
Sur vos écrans en 1999
EDITORIAL :
Par le Dr. Orlof
Si loin, si proche
Nous approchons irrémédiablement de la date fatidique de 2001 et pour la dernière année de ce millénaire (même si la question a fait beaucoup couler d’encre), Stanley Kubrick est revenu nous éblouir sans vaisseaux spatiaux et épopées cosmiques. Avec Eyes wide shut, c’est à la plus intime des odyssées qu’il nous convie : celle du couple. L’usure du mariage, la volonté de séduire, la jalousie, le fantasme : tout cela est traité de manière magistrale et stylisée dans cette œuvre controversée mais qui restera, à coup sûr, comme le jalon incontournable d’une immense filmographie.
La vision du couple de Tsai Ming-Liang est encore plus désespérée. Dans The Hole, il filme la solitude de deux êtres cloitrés dans leur bulle respective (leurs appartements) et seul un trou dans le plafond offre un semblant d’espoir de « communication » et offre des échappées musicales et oniriques dans cet univers très sombre.
Est-ce vers cette issue que se dirigent les relations humaines à l’orée du 21ème siècle ? Contrairement à ce que montrait Kubrick dans 2001 (justement), certains croient encore aux vertus de la technologie à tout crin. Le revenant George Lucas débute une nouvelle trilogie se situant en amont de la première saga Star Wars. Le résultat est affligeant de médiocrité mais l’utilisation des effets-spéciaux numériques laisse peut-être augurer d’une nouvelle ère pour le cinéma de grande consommation, à l’instar du film de 1977 qui signa en quelque sorte la fin du « Nouvel Hollywood » et les débuts de l’infantilisation du grand spectacle hollywoodien.
De la même manière, les frères Wachowski utilisent le « caméra-mapping » dans Matrix et nous proposent des effets-spéciaux en images de synthèse encore jamais vus sur grand écran. Cela n’empêche pas le film d’être plutôt raté et de naviguer dans des eaux « new-age » ronflantes et casse-pieds.
Est-ce à travers ces films que se dessine un avenir entièrement assujetti à la technologie ? On parle de plus en plus d’Internet et j’ai, à titre personnel, créé cette année une adresse pour recevoir des e-mails. De la même manière, nous rigolons avec mes amis aux terrasses des cafés de tous ces individus qui ne se parlent plus mais discutent ostensiblement (et beaucoup trop fort) avec leurs téléphones portables. Nous ne céderons, bien entendu, jamais à ces gadgets auxquels nous trouvons une forte capacité de nuisance, comme lorsque nous nous retrouvons dans les transports en commun à côté d’un type qui essaye toutes les sonneries possibles de sa machine.
Le cinéma de cette année semble avoir fait un pas de côté par rapport à ce développement des télécommunications : Kaurismäki revient au muet dans le très beau Juha et Jarmusch nous rappelle que le meilleur moyen de communiquer reste… le pigeon voyageur ! Après le sublime Dead Man, le cinéaste semble revenir à la fiction et à irriguer les mythologies du cinéma de genre d’autres références culturelles. Dans Dead Man, il nous proposait une relecture du western traditionnel à l’aune du génocide indien et de la poésie de William Blake. Dans Ghost Dog, il réinvestit le thriller en s’imprégnant du cinéma japonais (des citations des films de Suzuki) et de la culture des samouraïs. Ralentir le rythme, c’est également l’attitude de David Lynch qui après son mémorable Lost Highway bifurque totalement et nous embarque dans un étrange voyage en… tondeuse dans Une histoire vraie.
A l’inverse, Cronenberg nous montre un univers où le virtuel a envahi tous les aspects de l’eXistenZ. Dans ce très beau film, le cinéaste se fait un malin plaisir d’aller à l’encontre des visions classiques et nous propose un monde virtuel très « organique ». Quand tout devient faux, le corps est la dernière chose qui résiste. Résistance que l’on retrouve, à des degrés divers, et dans des univers totalement différents, chez les Straub (Sicilia !, un de leurs plus beaux films) et Monteiro et ses fantasmes délirants (Les Noces de Dieu).
Le corps a été malmené cette année au cinéma mais il reste la dernière trace de la singularité de l’individu. Corps haineux et irrémédiablement seul chez Gaspar Noé (Seul contre tous), perdu dans la forêt de ses fantasmes (Sombre de Grandrieux et, dans un autre style, Romance de Breillat).
Mais s’il fallait garder une image de cette année cinématographique, nous pencherions pour celle de ce couple taiseux qui se rapproche timidement en contemplant l’immensité des possibles offerts par l’océan dans A Scene at the sea de Kitano. Une goutte de délicatesse dans le vacarme infernal d’un nouveau monde en train d’advenir.
Et parce que même lorsque tout semble en ruine, il reste la puissance du sentiment amoureux comme le traduit d’ailleurs le « fuck » final d’Eyes wide shut.
1999 ou l’odyssée du couple…
LES CONSEILS DE NOTRE EQUIPE :
Une liste de 244 longs métrages (sur les 551 sortis en salles), avec, pour les étoiles en couleur, des liens vers des textes écrits par les contributeurs.
LES CHOIX DE NOS AMIS ET LECTEURS :
Frédéric :
1- Eyes Wide Shut (Kubrick) 2- Jugatsu (Kitano) 3- Trois ponts sur la rivière (Biette) 4- Le Vent de la nuit (Garrel) 5- New Rose Hotel (Ferrara) 6- Le Vent nous emportera (Kiarostami) 7- Sicilia ! (Straub/Huillet) 8- A Scene at the Sea (Kitano) L'Eté de Kikujiro (Kitano) 10- Adieu, plancher des vaches ! (Iosseliani) Cure (Kurosawa) Un temps pour vivre, un temps pour mourir (Hsiao Hsien)
Un simple amateur :
1-Le Vent nous emportera (Kiarostami) 2- L'Humanité (Dumont) 3- Sombre (Grandrieux) 4- Eyes Wide Shut (Kubrick) 5- La Ligne rouge (Malick) 6- Tout sur ma mère (Almodovar) 7- Ghost Dog (Jarmush) 8- The Hole (Tsai Ming-liang) 9- Un temps pour vivre, un temps pour mourir (Hsiao Hsien) 10- Mon voisin Totoro (Miyazaki)
Pierre :
Top 10 : 1-La ligne rouge (Malick) 2-La nourrice (Bellocchio) 3-Ghost dog (Jarmusch) 4-Center stage (Kwan) 5-Fight club (Fincher) 6-L'été de Kikujiro (Kitano) 7-Pi (Aronofsky) 8-La dernière chevalerie (Woo) 9-Beautiful people (Dizdar) 10-Cure (Kurosawa)
les 40 hors liste restant : Histoires de petites gens (Mambety)*** Under the skin (Adler)*** Je suis né d'une cigogne (Gatlif)*** Mobutu roi du Zaïre (Michel)*** Les passagers (Guiguet)*** Des monstres et des hommes (Balabanov)*** Aller vers le soleil (Ustaoglu)*** Marrakesh express (Salvatores)*** Phoenix Arizona (Eyre)*** Les rêveurs (Tykwer)*** Pourquoi pas moi? (Giusti)*** Prémonitions (Jordan)*** Les mutants (Villaverde)** Voyeur (Elliott)** Yom yom (Gitaï)** Children of the revolution (Duncan)** Le château des singes (Laguionie)** Public housing (Wiseman)** De la part de Stella (Gydroic)** Fait d'hiver (Enrico)** C'est pas mon jour (Woods)** Quatre jours en septembre (Baretto)** Himalaya (Valli)** De l'amour et des restes humains (Arcand)** Hypnose (Koepp)** Des chambres et des couloirs (Troche)** Urban legend (Marks)** 23 (Schmidt)** Lettres à un tueur (Carson) * A mort la mort (Goupil)* Inséparables (Couvelard)* Mystery men (Usher)* Orphans (Mullan)* Le plus beau pays du monde (Bluwal)* Mutation (Stevens)* Les grandes bouches (Bonvoisin)* Escape (Dornhelm)0 Casses en tous genres (Hamburg)0 The naked man (Anderson)0 C'est quoi la vie? (Dupeyron)00
côté inédits 24 longs métrages 1-Les enfants du Borinage : Lettre à Henri Storck (Jean)**** 2-Ley lines (Miike)**** 3-Victim (Lam)**** 4-La terre des âmes errantes (Panh)*** 5-Morts de rire (De la Iglesia)*** 6-Banlieue nord (Albert)*** 7-Taking Manhattan (Wong)*** 8-Shark skin man and peach ip girl (Ishii)*** 9-Hum dill de chucke sanam (Bhansali)** 10-Gen x cops (Chan)** 11-Speedway junky (Perry)** 12-Attack the gas station (Kim Sang-Jin)** 13-Running out of time (To)** 14-Sexe révélations (Anderson)** 15-L'Einstein du sexe (Von Praunheim)** 16-Blood dolls (Band)** 17-Une question de classes (Carré)** 18-Koji, la légende du guerrier démon (Maeda)** 19-Redball (Hewitt)** 20-35 heures c'est déjà trop (Judge)* 21-Nothing (Waplington)* 22-Les bouffons (Schipper)* 23-Splendor (Araki)0 24-Escape from Mars (Fearnley)00
et puis 14 courts 1-Outerspace (Tcherkassky)**** 2-Le vent (Sen)*** 3-Samedi soir dimanche matin (Tamou)*** 4-Maas (Volckman)*** 5-Satisfaction real (Bowda)*** 6-Bonne résistance à la douleur (Guillaume)*** 7-Travellynckx (Lanners)*** 8-Salam (El Bouhati)*** 9-Samedi dimanche et aussi lundi (Valette)** 10-Seasons greetings (Mulloy)** 11-Harry's war (Franklan)** 12-Toilet mouth (Crisp)** 13-Welcome to Spain (Atanes)** 14-Un bon flic (Marchal)*
et last but... 12 moyens métrages 1-Diego (Goldbronn)**** 2-Lettre à mon frère Guy Gilles cinéaste trop tôt disparu (Gilles)*** 3-50 ans de maquis (Billon et Alejandro)*** 4-Norman Mailer, histoires d'Amérique (Copans et Neumann)*** 5-Citizen cam (Scemia)*** 6-Adolescents (Minetto)*** 7-Beau comme un camion (Cordier)*** 8-Greyhound aller simple (Borgers et Lévy Lunt)*** 9-Java central Jog Jakarta (Compain)** 10- Baby (Xim Phil Sung)** 11-Slaves in paradise (Benjamin)** 12-Un pas dans la nuit (Laborie)**
**** :
*** : Jin-Roh, la brigade des loups (8) ; Eyes Wide Shut (7) ;
** : The Big One (6) ; Un temps pour vivre, un temps pour mourir (6) ; L’Anglais (6) ; La Maladie de Sachs (6) ; Le vent nous emportera (6) ; Celibrity (6) ; Ma petite entreprise (6) ; Fiona (6) ; Ghost Dog (6) ; Tout sur ma mère (6) ; Rosetta (6) ; Fight Club (5) ; Sex Intentions (5) ; HHH (5) ; Juha (5) ; South Park, le film (5) ; Rien sur Robert (5) ; Perfect Blue (5) ; The Hi-lo Country (5) ; La Ligne rouge (5) ; Vénus Beauté Institut (5) ; Au cœur du mensonge (5) ; Fin août début septembre (5)
* : American Pie (4) ; Une liaison pornographique (4) ; La Dilettante (4) ; La Fille sur le pont (4) ; The Hole (4) ; L’Humanité (4) ; Loin du paradis (3) ; Dans la peau de John Malkovich (3) ; Mauvaise passe (3) ; Star Wars épisode 1 : la Menace fantôme
o : Astérix et Obélix contre César (2) ; Austin Powers – l’Espion qui m’a tirée (2)
- (vus, mais plus assez de souvenirs pour noter ; sont par définition absents ceux que j’ai vus, mais qui m’ont laissé tellement peu de souvenirs que je ne m’en rappelle même plus !) : La Nouvelle Eve ; Pas de scandale
LE SONDAGE TWITTER DU DR. ORLOF :
Quel est le meilleur film sorti en 1999 ? (86 votants)
1- Eyes Wide Shut (Kubrick) (25 voix)
2- La Ligne Rouge (Malick), Mon voisin Totoro (Miyazaki) (8 voix)
4- Ghost Dog (Jarmusch) (7 voix)
5- Tout sur ma mère (Almodovar) (4 voix)
6- ExistenZ (Cronenberg), Fight Club (Fincher) (3 voix)
puis avec 2 voix : Le Temps retrouvé (Ruiz), Un temps pour vivre, un temps pour mourir (HHH), Rosetta (Dardenne), Le 13ème guerrier (McTiernan), Le Vent de la nuit (Garrel), L'humanité (Dumont), Matrix (Wachowski)
Cités une fois : Perfect Blue (Kon), Khroustaliov ma voiture (Guerman), Juha (Kaurismaki), Le Vent nous emportera (Kiarostami), La Momie (Summers), Le Nuage (Solanas), Une liaison pornographique (Fonteyne), Le Barbier de Sibérie (Mikhalkov), L'été de Kikujiro (Kitano), Jin-Roh (Okiura), Pola X (Carax), Gummo (Korine), After life (Kore-Eda), Buffalo 66 (Gallo)
LE BOX-OFFICE :
1. Astérix et Obélix contre César, Claude Zidi, 8 948 624 entrées
2. Tarzan, Chris Buck et Kevin Lima, 7 914 863 entrées
3. Star Wars, épisode 1 : La Menace fantôme, George Lucas, 7 303 131 entrées
4. Matrix, Andy & Larry Wachowski, 4 771 685 entrées
5. Coup de foudre à Notting Hill, Roger Michell, 4 532 898 entrées
LES PRIX ET RECOMPENSES :
- Prix Louis-Delluc : Adieu, plancher des vaches ! (Otar Iosseliani)
- Prix Méliès : La Maladie de Sachs (Michel Deville)
- Prix Jean Vigo : La Vie ne me fait pas peur (Noémie Lvovsky)
- César du meilleur film : Vénus Beauté (Institut) (Tonie Marshall)
- Oscar du meilleur film : Shakespeare in love (John Madden)
- Festival de Venise, Lion d'or : Pas un de moins (Zhang Yimou)
- Festival de Cannes, Palme d'or : Rosetta (Luc & Jean-Pierre Dardenne)
- Festival de Berlin, Ours d'or : La Ligne rouge (Terrence Malick)
- Festival de Locarno, Léopard d'or : Peau d'homme cœur de bête (Hélène Angel)
- Festival de Saint-Sébastien, Coquille d'or : C'est quoi la vie ? (François Dupeyron)
A VOUS LA PAROLE !
A notre suite, nous vous invitons à dresser votre propre palmarès de l'année et à nous le faire parvenir, par l'intermédiaire des commentaires ou du bouton de contact, afin que nous le mentionnions à son tour ci-dessus.
(vous pouvez consulter la liste de tous les films sortis en France en 1999 sur le site Encyclo-Ciné)
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