17/02/2019
Sur vos écrans en 2012
EDITORIAL :
Par Vincent
Alors que notre voyage dans le temps touche à sa fin, puisque la courbe de Zoom Arrière va toucher d'ici la fin de l'été celle du réel, il me semble intéressant de paraphraser Serge Daney et de poser la question : « l'exercice a-t-il été profitable, monsieur ? » (madame pour nos éminentes collègues). Nous avons tous noté, sinon une lassitude, du moins le syndrome du cheval en vue de l'écurie, et les éditos se sont raréfiés tandis que les rappels au planning se sont multipliés. C'est peut être que, malgré le plaisir de confronter nos petites étoiles, il y a le sentiment de se répéter. En effet, depuis la fin des années 2000, les disputes, au sens noble du terme, ont déjà eu lieu sur nos blogs respectifs et les listes ne sont que l'actualisation de celles que nous avions publiées alors. Je serais curieux d'avoir les avis de mes partenaires sur le sujet.
En 2012, mon fils Adrien naissait et cette grande affaire n'allait pas arranger ma relation au cinéma en salles, au moment où je commençais à y emmener ma fille. Mais d'un autre côté, c'était l'occasion de revenir sur l'éducation cinéphile que j'avais inculquée à l'aînée. Mon fils n'ayant pas les dispositions précoces de sa sœur pour la lecture, je n'ai pu lui refiler de la VO sous-titrée à quatre ans, ce qui m'a permis de redécouvrir le charme de la VF qui avait bercé mon enfance. Et donc, pour ce qui est de 2012, je me contenterais de mon passage à Clermont puis à Cannes avec quand même une belle collection de films dont Ernest et Célestine, présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors d'une séance où j'avais pu emmener ma fille. Il y a eu le plaisir Holy Motors et cette scène musicale dans l'église, la robe rouge et noire d'Anne Consigny dans le film d'Alain Resnais, le cheval de Spielberg, la traversée maritime de Moussa Touré, la chambre 237 qui sortira l'année suivante comme le Mississippi de Jeff Nichols,. Mais je ne m'étendrai pas sur l'année, gêné comme pour toute cette période par le peu de films vus.
Non, j'ai plutôt envie de revenir sur la question du début, dire le plaisir que j'ai eu à répondre à la proposition d’Édouard et revenir sur ce retour en arrière. Je compte sur les enthousiasmes de mes confrères pour effectuer mes rattrapages. Car c'est pour moi tout l'intérêt de la chose, au-delà de titiller le bon Dr Orlof sur les places toujours trop basses de Steven Spielberg. Si je regarde l'année de départ, 1945, je me rends compte que l'exercice Zoom Arrière m'a mené à combler quelques vides avec Air Force de Howard Hawks, merveilleux film d'aviation et d'hommes en guerre (**** facile), Sergent York, du même, mais avec des fantassins, (**** au minimum) et Falbalas de Jacques Becker dans un autre registre (je triche un peu, c'est le documentaire de Tavernier qui m'a donné envie de mieux connaître cet auteur, mais **** pareil). Sans vouloir rejouer les nombreux matchs ni modifier la patiente mise en page du responsable, je tiens à dire ici et maintenant combien je suis ravi d'avoir découvert au fil de ces comptes à rebours qui pimentent nos soirées, des œuvres comme Huit Heures de sursis de Carol Reed, Le Narcisse noir de Powell & Pressburger (ben oui), Le Gaucho de Jacques Tourneur, Les Bonnes Femmes de Claude Chabrol, Corps à cœur de Paul Vecchiali finalement découvert en sa présence à Nice, Passion de Jean-Luc Godard, ou Du sang sur la Tamise de John Mackenzie, pour s'en tenir à quelques titres. Et il y a encore plein de trous ! De quoi m’occuper jusqu'à la retraite ou une nouvelle version de Zoom arrière dans dix ans. Alors, cet exercice, profitable ? Je veux !
LES CONSEILS DE NOTRE EQUIPE :
Une liste de 172 longs métrages (sur les 751 sortis en salles), avec, pour les étoiles en couleur, des liens vers des textes écrits par les contributeurs.
LES CHOIX DE NOS AMIS ET LECTEURS :
Frédéric :
1- Tabou (Gomes) 2- Twixt (Coppola) 3- Go Go Tales et 4h44 Dernier jour sur terre (Ferrara) 4- Holy Motors (Carax) 5- Cosmopolis (Cronenberg) 6- In Another Country et The Day He Arrives (Sang-soo) 7- Damsels in Distress (Stillman) 8- Moonrise Kingdom (Anderson) 9- Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes (Fincher) 10- Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé (Podalydes)
Inédit : Autrement la Molussie (Rey)
Un simple amateur :
1- Tabou (Gomes) 2- Holy Motors (Carax) 3- Take Shelter (Nichols) 4- Les Bêtes du Sud sauvage (Zeitlin) 5- Elena (Zvyagintsev) 6- I wish - Nos cœurs secrets (Kore-eda) 7- Les Enfants loups (Hosada) 8- Barbara (Petzold) 9- Cosmopolis (Cronenberg) 10- Un monde sans femmes (Brac)
D'autres films intéressants: Faust (Sokourov); Twixt (Coppola); Go Go Tales et 4h44 Dernier jour sur terre (Ferrara); Damsels in Distress (Stillman); In Another Country et The Day He Arrives (Sang-soo); Moonrise Kingdom (Anderson)
LE BOX-OFFICE :
1. Skyfall, Sam Mendes, 7 003 902 entrées
2. L'Âge de glace 4 : La Dérive des continents, Steve Martino & Mike Thurmeier, 6 588 883 entrées
3. Sur la piste du Marsupilami, Alain Chabat, 5 304 366 entrées
4. La Vérité si je mens ! 3, Thomas Gilou, 4 613 791 entrées
5. Twilight chapitre V : Révélation, 2ème partie, Bill Condon, 4 525 647 entrées
LES PRIX ET RECOMPENSES :
- Prix Louis-Delluc : Les Adieux à la Reine (Benoit Jacquot)
- Prix Méliès : Amour (Michael Haneke)
- Prix Jean Vigo : L'Âge atomique (Héléna Klotz)
- César du meilleur film : Amour (Michael Haneke)
- Oscar du meilleur film : The Artist (Michel Hazanavicius)
- Festival de Venise, Lion d'or : Pieta (Kim Ki-duk)
- Festival de Cannes, Palme d'or : Amour (Michael Haneke)
- Festival de Berlin, Ours d'or : César doit mourir (Paolo et Vittorio Taviani)
- Festival de Locarno, Léopard d'or : La Fille de nulle part (Jean-Claude Brisseau)
- Festival de Saint-Sébastien, Coquille d'or : Dans la maison (François Ozon)
A VOUS LA PAROLE !
A notre suite, nous vous invitons à dresser votre propre palmarès de l'année et à nous le faire parvenir, par l'intermédiaire des commentaires ou du bouton de contact, afin que nous le mentionnions à son tour ci-dessus.
(vous pouvez consulter la liste de tous les films sortis en France en 2012 sur le site Encyclo-Ciné)
31/08/2018
Sur vos écrans en 2007
EDITORIAL :
Par Oriane
L'année 2007 se révèle lycéenne pour votre éditorialiste de ce mois. Elle signe son entrée dans le grand monde du teenager, mais aussi la mise en place de pratiques cinéphiles – aller toute seule au cinéma 1 à 2 fois par semaine, s'ouvrir aux diverses nationalités et genres, voguer des films art et essai aux blockbusters, défendre ardemment la VOSTFR... C’est aussi, et surtout, l'année où votre billettiste se frotte à deux cinématographies, l'américaine et l'asiatique. En 2007, je découvre ainsi l'aridité du continent dominant, son imaginaire de cow-boys empoussiérés, sa violence, son cynisme habités par des stars qui me font rêver – voire fantasmer. Puis je fais face à des œuvres déroutantes et issues d'un lointain oriental, dont l'expressivité nouvelle souligne ici les déceptions sociales, là les politiques complexes, où brillent des costumes flamboyants d'impératrices, ou encore ceux ensanglantés de mafieux en déroute.
En 2007, je développe aussi mes propres armes critiques et je commence, probablement sous l'influence de la langue pendue de certains rédacteurs des revues de cinéma que je lis, à attaquer sans pitié les films ou les réalisateurs qui me hérissent. J'apprends à défendre mes films fétiches, mais aussi à médiser et sélectionner, non sans une certaine cruauté ! La cinéphilie ou un concours de passions extrêmes, entre l'idolâtrie et le rejet. 2007 fut donc l'occasion pour moi de prendre plaisir à haïr certaines œuvres de Christophe Honoré ou Michel Spinosa, et encore à écarter – parfois à tort ! - tout un pan de la production nationale. Rétrospectivement, il apparaît pourtant que 2007 est une bonne année concernant les films français.
Cette parenthèse proustienne me sert d'introduction aux aspects intéressants de cette année cinématographique. La découverte du cinéma américain à cette époque est de fait liée à une remarquable production. Les cinéastes reviennent surtout aux mythes fondateurs, probablement un terrain où ils tiennent les propositions esthétiques ou idéologiques les plus intéressantes. James Gray revisite le film de flic et de gangster avec l'émouvant La Nuit nous appartient : Andrew Dominik hypnotise avec le mélancolique western L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, récompensé à Venise ; Soderbergh sort deux films très différents mais tous deux dans l'hommage aux classiques hollywoodiens (The Good German) comme au film de casse (Ocean's Thirteen) ; Paul Haggis questionne le patriotisme Dans la Vallée d'Ellah ; et David Fincher défie les routes du thriller avec le passionnant puzzle autour du Zodiac. A ces exemples rajoutons Gus Van Sant qui retourne au fleuve adolescent avec Paranoïd Park ; David Lynch qui propose son Inland Empire ; Robert Rodriguez qui a la nostalgie du film d'exploitation dans Planète Terreur... Ce sont également des succès américains qui figurent au Box office français : le survitaminé Ratatouille, qui s'attaque au mythe de la cuisine... française ; et Spider-Man 3 qui échoue néanmoins à progresser dans le genre du super-héros.
Outre les Etats-Unis, l'autre pays à l'honneur en 2007 est la Roumanie. La Palme d'Or comme le Prix Fipresci sont décernés à 4 Mois, 3 semaines et 2 jours qui révèle la rigueur précieuse de Cristian Mungiu. De même, Un Certain Regard récompense California Dreamin' de Cristian Nemescu, tandis que 12h08 à l'Est de Bucarest, Caméra d'Or de l'année précédente, sort en salles. Ce beau triplé est valorisé par le terme de « nouvelle vague roumaine » dans lequel les critiques et les festivals français aiment se plonger pour un temps. Pourtant, du côté du cinéma national, l'année se révèle plutôt riche, notre équipe offrant même la toute première place à Ne touchez pas la hache, adaptation de Balzac par Jacques Rivette. Kechiche est acclamé pour La Graine et le mulet, où le cinéaste trouve un certain équilibre parmi sa dense matière improvisée. Dans l'intimité française, André Téchiné offre les beaux Témoins ; Jérôme Bonnell son délicat et discret Quelqu'un m'attend. Eric Rohmer réalise quant à lui sa dernière œuvre, Les Amours d'Astrée et de Céladon dans lesquelles votre rédactrice du mois n'a pas mis les pieds, pour cause d'incompatibilité avec ce style. Également, beaucoup de cinéastes femmes réalisent leur premier film ou continuent leurs œuvres singulières : Marjane Satrapi cosigne le pétillant Persépolis ; Céline Sciamma se remarque avec le troublant Naissance des Pieuvres ; Noemie Lvovsky avec Faut que ça danse ! ; Valeria Bruni-Tedeschi avec Actrices ; Sandrine Bonnaire avec son documentaire familial Elle s'appelle Sabine ; Nadine Labaki avec Caramel... Telle une page générationnelle qui se tourne, 2007 est aussi marqué par la disparition de beaucoup d'acteurs français dont Jean-Pierre Cassel, Jean-Claude Brialy, Claude Brosset et Michel Serrault... Parallèlement, l'année se révèle très Amalricienne, puisque le charme de Mathieu agit dans un beau-doublé, Le Scaphandre et le papillon et La Question humaine.
Côté Asie, c'est le continent chinois qui se démarque. Fait rarissime, trois œuvres de Johnnie To sortent sur la même année, un exploit qui ne sera malheureusement pas renouvelé. Quelques années plus tard, l'inventif cinéaste hongkongais rejoint la longue liste des réalisateurs asiatiques un instant acclamés en France, puis mis aux oubliettes. Outre les mafieux déchirés de To, Zhang Yimou présente sa folle Cité interdite, Lou Ye sa Jeunesse Chinoise, Wang Quan'An est honoré à Berlin avec Le Mariage de Tuya et Ang Lee à Venise avec Lust Caution. Enfin, Jia Zhangke éblouit avec son atemporel Still Life. Comme To, Kiyoshi Kurosawa apparaît à travers doublé, lui aussi plutôt sombre, avec Loft et Retribution. Naomi Kawase reçoit le Grand Prix à Cannes. Quant au précieux Lee Chang-dong, il signe son comeback après cinq ans de silence, et ce dans la douleur. Son Secret Sunshine sera paradoxalement un souvenir lycéen traumatique se révélant point de départ d'une admiration grandissante pour ce réalisateur – autre madeleine dans la madeleine, je relate par ailleurs ce paradoxe dans un projet mis en place par notre grand gouverneur Zoom Arrière Edouard, et qui me permit de faire sa connaissance !
Du côté de l'Orient plus vaste, l’israélien Les Méduses reçoit la Caméra d'Or à Cannes ;
Nuri Bilge Ceylan impressionne avec Les Climats et commence à s'imposer sur la scène des festivals ; tout comme Apichapong Weerasethakul avec Syndromes and A Century, qui clôt une trilogie personnelle.
Certaines années se révèlent plus marquées par la disparition des maîtres plutôt que par la naissance des talents. 2007 fait partie de ces années-là. Les esprits cinéphiles honorent à cette époque Pierre Granier-Deferre ou Edward Yang. Et ils font face au départ simultané, comme si les deux vieux hommes s'étaient accordés pour titrer leur révérence en même temps, d'Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni le même jour. A l'époque, je connais peu les deux légendes suédoise et italienne. Mais grâce au ciné-club lycéen organisé par l'une des rédactrices de ZA lors de cette période, je les découvre sur grand écran. Je suis ainsi marquée par deux images cultes et poétiques, la cape volante d'une Faucheuse sensible en bord de mer, et les mouvements hypnotiques d'une partie de tennis imaginaire. 2007 reste l'impression de ces plans-là.
LES CONSEILS DE NOTRE EQUIPE :
Une liste de 274 longs métrages (sur les 615 sortis en salles), avec, pour les étoiles en couleur, des liens vers des textes écrits par les contributeurs.